Éclairer la demande du client : un cas fréquent en coaching individuel

logo-luxinvia

Récemment, un coaché[1] est arrivé en séance avec une demande qui le préoccupait beaucoup. La situation, qui l’inquiète de façon récente mais intense, avait déjà créé chez lui une forte irritation, perceptible à la simple description des faits. La colère affleure vite, rien qu’à l’évocation du problème et « rien ne va bien » dans sa description.

Cette situation liée à des tensions interpersonnelles se présente assez souvent. Le travail de coaching consiste d’abord faire tomber la pression avant de pouvoir travailler une nouvelle stratégie de travail.

Faire tomber la pression

Face à cette colère que le coaché vit mal, il est tentant pour lui de vouloir aller vite ; il veut accélérer la recherche de la solution car il souhaite sortir de cette relation inconfortable au plus vite ce que l’on peut comprendre. Il exprime son envie de dépasser la situation de blocage qui crée de l’inefficacité et il sollicite le coaching en ce sens. On le sent totalement focalisé sur cette insatisfaction qui déborde parfois au delà du cadre professionnel. Le coach gère un moment délicat où il va s’agir à la fois à comprendre et créer l’alliance avec son client tout en l’amenant à ralentir… au lieu d’accélérer.

En effet, la colère latente déforme la réalité ; elle nourrit des tentatives de solutions qui fonctionnent mal et empêche d’ouvrir d’autres pistes… ce qui renforce encore plus l’insatisfaction du coaché. Il ne faut pas la laisser en l’état.

La colère exprime souvent de l’injustice, celle que ressent le coaché dans sa relation avec l’autre personne. « Après tout ce que j’ai fait pour lui [ou pour elle], voilà ma récompense » exprime-t-il parfois. Cette perception se nourrit de plein de biais de perception (par exemple le biais de confirmation qui nous fait sélectionner les seules informations convergentes et à charge) que la colère conforte. Elle empêche une prise de recul qui serait utile pour discerner le caractère relatif de cette perception et que le coach va aller explorer avec son coaché.

Parfois, l’autre personne représente l’autorité pour le coaché ! Difficile de coacher un chef « difficile » qui n’est pas partie prenante. Pour autant, la colère ressentie est réelle car elle exprime le danger de la situation pour le coaché. Dès lors que la colère annihile une partie de notre perception, elle nous conduit parfois à agir sur ce qui est inefficace (les symptômes) sans travailler la cause dans la relation avec son N+1. Je me rappelle de deux situations extrêmes où cette situation entrainait mes coachés, pour l’un dans une posture de soumission temporaire (mais insupportable à vivre pour lui au long cours) et pour l’autre dans une attitude de défiance agressive (dont il n’avait pas pris conscience et qui commençait à faire réagir le N+1). Dans les deux cas, le prix à payer est élevé.

Quand l’autre personne évoquée par le coaché est un collaborateur, la situation n’est pas forcément plus simple. Elle peut renvoyer alors involontairement au dirigeant un message d’échec de son management, ce qui va entretenir la colère, voire nourrir un syndrome d’imposture… Cette situation n’est pas anodine. Le coaché a souvent tenté plusieurs choses qui habituellement fonctionnent… mais avec les autres ! Il s’agit alors de prendre le temps d’analyser ces tentatives, de rassurer et… de tester autre chose.

Dans tous les cas, j’engage toujours un travail d’écoute et d’alliance pour entrer dans le monde de mon coaché et l’aider à prendre de la distance. Il est important d’écouter, d’entendre, non seulement ce qui se dit mais aussi ce qui ne se dit pas. La métaphore apporte une aide ; j’utilise souvent des cartes pour cette raison. Cette étape préalable est rarement suffisante dans le travail de coaching mais c’est une condition nécessaire. Lever la colère permet de lever cette focalisation excessive du coaché qui l’empêche de voir le reste…

Travailler la focalisation

Selon le Larousse, la focalisation désigne « un point de vue adopté par l’auteur dans la conduite de son récit ». C’est donc un sujet intéressant d’approche dans le coaching individuel.

A la focalisation, je préfère parfois travailler la « défocalisation » pour conduire le coaché à voir plus large et ouvrir son angle de vue. On découvre ainsi que la personne prise en grippe par votre coaché était « la préférée » du patron précédent,… comment est-ce possible ? On découvre encore en explorant l’ensemble des champs de responsabilité, qu’il y a des périmètres où le collaborateur travaille bien, ce qui amoindrit le jugement selon lequel « rien ne va jamais » avec lui. Les outils cognitivo-comportementaux sont plutôt précieux ici pour explorer une forme de restructuration cognitive.

Pour travailler avec la focalisation, je travaille aussi la « refocalisation » qui permet d’éclairer ailleurs voire de trouver des opportunités dans cette situation. J’ai en mémoire la colère d’un coaché contre son collaborateur qui « a toujours des objections à mes idées nouvelles« , ce qui occultait tout le reste y compris la richesse qu’il pouvait y avoir dans leurs échanges. L’ennui de cette colère est qu’elle a contribué à cacher le véritable problème, à savoir l’absence de solidarité du collaborateur dans les décisions prises par la suite. Cette refocalisation a permis de changer la stratégie d’action du coaché, en utilisant une forme d’approche paradoxale. Elle peut aussi soutenir notre coaché dans la recherche d’autres talents à son collaborateur qui peut conduire à une réévaluation de la relation de travail.

Parfois, cette focalisation nous conduit à travailler une demande sous-jacente et non encore exprimée. Il s’agit alors d’un éclairage « par en dessous ». Comme la fois où le coaché a exprimé que tel « collaborateur [l]’agace au plus haut point, rien que dans sa posture et ses attitudes, et [qu’il a] plein d’exemples à apporter à [sa] démonstration » ! On peut aider le coaché à mieux comprendre ses irritants, découvrir au passage que la relation avec ce collaborateur rejoue, sans le savoir, une situation professionnelle antérieure vécue difficilement par le coaché. Cette situation conduit alors le coaché à réagir inconsciemment de façon inadaptée avec le collaborateur d’aujourd’hui comme si c’était celui d’hier. Le travail s’oriente alors vers une reconstruction cognitive pour repartir sur de bonnes bases.

Parfois encore, il s’agit d’agir contre la focalisation des pensées que notre notre cerveau produit, notre meilleur ami. C’est son travail d’ailleurs ; grâce à lui, on prend 35 000 décisions par jour. Autant dire qu’il est souvent en pilote automatique. Et parfois, il nous conduit dans l’erreur avec ses « pensées hameçons ». Pour éviter cette focalisation, on travaille avec la « défusion », un apport de l’ACT (3ème vague des TCC) pour distinguer notre cerveau et ses pensées de la personne. Ce n’est pas parce que notre cerveau rumine et nous dit que c’est une mission difficile que nous sommes un imposteur. 

En définitive, chaque demande reste unique et oriente la stratégie du coach au service de son client ; le métier de coach est un métier d’artisan où l’aide dans l’éclairage de la demande a toute sa place : voilà aussi l’un ses sens du logo de Luxinvia qui sert d’illustration à cet article.


[1] Le terme de coaché est utilisé de façon générique et concerne autant une coachée qu’un coaché